
J’ai envie de ressentir ce manque. J’ai envie d’être accepté dans son manque à lui.. Je nourris l’espoir de lui manquer, et de lui apporter le réconfort des retrouvailles, sans cesse, sans cesse, comme sa mer bleu sur ma peau de sable brulée par un soleil réconfortant… D’avoir un cordon qui me relie à lui, même si il est loin, même si je suis sur terre, et que je le regarde me regarder depuis une autre planète, si lointaine, si lointaine, avec comme seul véhicule pour le rejoindre, celui de mon corps ; comme seul carburant, un fol espoir, partir d’ici, pour un ailleurs, pour sa planète…
J’ai l’impression que certains des mots qui dansent dans ma tête ne font pas parti de ce moment, maintenant… Je ne sais plus ce que je dois faire, alors je veille sur lui, j’en reviens aux fondamentaux, je suis un loup qui veille sur son frère, le seul en qui j’ai confiance. Non pas parce que je le connais depuis longtemps, mais parce que c’est lui, et qu’il y a tellement de sentiments qui luttent pour se faire une place, qu’il n’en reste aucune pour les doutes. Frakir semble l’avoir adopté, lui aussi, ce qui ne fait que renforcer ma conviction. Alors que nous nous trouvons de nouveau ensemble, je lui prend la main, et la caresse doucement, une angoisse chevillée au corps. Il m’a laissé poser mes lèvres sur les siennes, mais j’ai l’impression d’avoir profité d’un moment de faiblesse. Il faut que je lui parle, mais ce n’est pas le moment. De nouveau, je m’attarde sur cette affirmation. Ce n’est pas le moment, je ne suis pas dans le bon moment… Je n’y comprends rien, mais cette phrase tourne en boucle dans ma tête, et je suis au bord de la panique lorsque je rencontre de nouveau son visage…Je pose une main délicate sur ses lèvres, résistant à l’envie d’y gouter à nouveau.
Je l’observe, jamais loin, alors que les médecins l’ausculte. Je remets à plus tard mes propres soins. Je fronce les sourcils quand je sens que quelque chose cloque, je lui souris lorsqu’il me regarde, je lui fais des signe. J’ai hérité d’un bas de pyjama informe alors que nous bénéficions enfin des soins. La douleur n’est que passagère, et je sais que c’est pour mon bien, alors j’accepte de bonne grâce la désinfection, les pansements, les coutures… Aurai-je des cicatrices ? Quelle importance ça aurait, maintenant ou plus tard ? J’étais à peu près sur de mourir, dans cette guerre qui n’en finissait pas…
Les nouvelles pour Nate sont alarmante. Les tympans crevés, à priori. J’ai envie de faire quelque chose pour lui, mais je ne sais pas quoi. Alors je lui assure ma présence, mon soutien. Parfois, quand nous sommes entre deux certitudes, nous nous collons l’un à l’autre, sans rien demander d’autre, sans savoir quoi demander d’autre. J’aime le contact de sa main dans la mienne, et j’aime qu’il recherche mon contact également.
Les heures, les jours se suivent, alors que nous reprenons des forces, frakir jamais bien loi, mais semblant totalement transparente pour quiconque à part Nate et moi. J’apprends avec angoisse qu’ils envisagent d’envoyer Nate à l’église des réfugiés, loin de moi… Je ne supporte pas l’idée. Alors que nous nous nourrissons, succombant aux besoins impérieux de nos corps, d’autre besoins se font sentir. J’ai besoin de lui parler, de lui expliquer, au moins de lui dire…
On m’emmène de temps en temps faire des tests. Des tests compliqués, que je ne cherche même pas à comprendre, et on me pose des questions, sur ce que je suis, sur ma mission, sur les hommes que je connais ou non. Ma mémoire me revient, petit à petit, ou plutôt par à-coup, chaque fois que j’ai besoin de répondre à un problème précis. Je ne suis pas déserteur. Non je n’ai aucune idée de qui sont ces hommes. Oui je me souviens que je dois sécuriser le périmètre, aidier les réfugiés, signaler tout mouvement suspect. On me test physiquement aussi. Je réussi parfois. Je sens que mes forces reviennent, mais ma foi s’éloigne.
Et puis la MP revient, nous cherchant des yeux. Frakir se redresse, inquiet.
-frakir, tais toi lui dis-je. Mes yeux rencontrent ceux de Nate. Je lui fais comprendre que je ne sais pas comment c’est possible. Je le regarde s’éloigner, et j’ai soudain la conviction que sa planète sera bientôt hors de portée, que je n’ai presque plus de carburant à lui consacrer, et qu’il faut que je fasse vite…
Lorsqu’il revient, je vois la rage qui l’anime, et quand il pose son oreiller sur ses oreilles, je comprends qu’ils l’ont poussé à bout. Je m’approche doucement de lui, alors que le MP et son acolyte semble ne pas être d’accord sur son cas.. Je repousse une mèche de ses cheveux, et je me mets à genoux pour qu’il me voit, qu’il puisse m’entendre, alors que je murmure.
-Nate. Je te laisserai pas.. Je vai leur parler. Et si ils t’envoient loin de moi, alors nous partirons tous les deux. On marchera, on ira aussi loin qu’on peut. Si tu peux plus marcher, je te porterai. Je te porterai toujours, Nate… Et… Je regrette rien. Je lui pris la main, et , profitant des autres lits qui nous cachaient aux regards indiscrets, je déposai, la gorge nouée, un baiser sur ses paupières meurtries, puis de nouveau sur ses lèvres, rageant de ne pouvoir m’y attarder d’avantage.
-je ne regrette rien, Nate.. Son sourire et les lumières qui l'illuminent, tout comme ses yeux, me récompensent de ma témérité.
Alors, ayant pris ma décision, je m’éloigne, à la rencontre du Mp.
-Écoutez, si vous compter vous passer d’un tel avantage, dis-je en pointant Nate de la main, j’aimerai que ce soit clair entre nous. Vous avez profité de ma faiblesse passagère pour envoyer foutre le protocole, mais non de dieu ! Je suis toujours Lieutenant. Et si vous voulez des rapports, je vais en fournir. Comptez sur moi pour ne rien omettre. Comme par exemple, l’abandon volontaire d’un atout stratégique DECISIF en la personne de Nathaniel. Et si il vous faut une raison pour déclencher une enquête de votre enquête, et me permettre de vous humilier par des rapports accablants, en voila une !
Et mon direct du droit vola avec souplesse et rapidité sur son visage, ou je vis se peindre l’incrédulité. Il était à terre, le nez en sang, furieux.
-provoque moi encore, petite raclure… Il regarda son collègue, et ce dernier lui fit non de la tête…
-ce n’est rien, ce n’est rien.. Dit-il aux gens aux alentours… Il me fit un signe de tête. Il accepta la situation. Je ne saurai dire ce qui m’avait pris au juste, mais quelque chose c’était déclenché en moi… Une certaine.. Autorité. J’avais l’impression que mon regard c’était associé à mon esprit, et j’avais « poussé » en quelque sorte en les regardant. En même temps j’avais sentis fléchir leur volonté…
Je me retournais, rejoignant Nate.
-pas d’église, pas de prière, pas d’attente… Tu es mon espoir, je n’ai pas besoin d’en savoir plus… Je luis souris, apaisé. Personne ne me l’enlèvera. Pas avant que j’ai pu faire la paix avec ce qu’il déclenchait en moi. Pas avant que nous puissions faire la guerre, la seule que j’envisageais, avec nos deux corps comme champ de bataille, et le plaisir comme promesse de victoire…
Frakir vint poser son museau sur le lit. Elle / il tenait dans sa gueule le portefeuille de Nate. Nous le regardions tous deux, avant d'éclater de rire..